Syrus Shahidi
Le grand public a découvert Syrus Shahidi dans la nouvelle série française fraîchement débarquée sur Netflix, Plan coeur. Le comédien a pourtant déjà à son actif plusieurs longs métrages, des films d’auteur souvent, dans lesquels il a incarné des personnages poignants. À seulement 29 ans, Syrus a déjà eu plusieurs vies. Et c’est avec une grande sincérité qu’il s’est raconté.
© Charlélie Marangé
Syrus Shahidi m’a donné rendez-vous dans un café du Marais à Paris, le quartier où il vit avec son meilleur ami : « on se connait depuis l’école primaire ». Fils unique, Syrus a grandi avec sa bande de potes avec qui il faisait du roller, et il a trouvé dans le milieu du cinéma quelques amis qui sont aujourd’hui très proches de lui. Il reconnaît volontiers son entourage dans les personnages de la série Plan Coeur, symboles d’une génération qui refuse de grandir. « À l’approche de la trentaine, je sens qu’on change. Il y a ceux qui restent bloqués dans le même mode de vie que lorsqu’ils avaient 20 piges et ceux qui avancent. Cela créé parfois des discordes. » Syrus, lui, se situe entre les deux : « je vis en coloc’ mais je suis posé, j’ai une copine ». Et de par son métier, il est pleinement confronté à la réalité.
Pendant longtemps, malgré les beaux projets auxquels il a participé, Syrus a bossé à côté. « Les débuts dans ce métier sont compliqués financièrement si tu n’enchaînes pas les rôles. » Son choix d’être comédien, il ne l’a pourtant jamais questionné. Parce que cette carrière s’est imposée à lui sans qu’il y ait un jour songé. Avant le théâtre et le cinéma, Syrus a travaillé trois années pour le magazine Citizen K grâce à une rencontre qu’il a fait à l’âge de 19 ans. Il était alors en École de commerce et servait à l’Hôtel Costes pour payer ses études. C’est là qu’il a rencontré Kappauf, le patron de Citizen K. Ce dernier lui a proposé un stage avec son assistant. Un mois plus tard, il le remplaçait. Voilà comment la vie professionnelle de Syrus a débuté. D’assistant il passera bras droit de Kappauf : « J’avais un beau salaire, un CDI, je voyageais dans le monde entier. J’organisais du plus petit rendez-vous au shooting avec Sharon Stone, j’ai aussi failli me faire couper le petit doigt à Séoul. C’était les montagnes russes. »
« Citizen K a été ma meilleure école »
Et puis un jour, Kappauf lui conseille de prendre des cours de théâtre afin d’améliorer son élocution : « Je parle trop vite car je suis un ancien dyslexique. » Cela faisait déjà plusieurs fois qu’une voisine lui proposait de lui donner des cours de théâtre gratuitement. Ce que Syrus refusait. Et puis ce même jour, il a croisé cette femme en rentrant chez lui. « Et comme je crois à fond à ma bonne étoile, j’ai pris ça pour un signe et j’ai dit oui ». Ce fut pour lui une révélation. En fin d’année, les apprentis comédiens devaient jouer une scène. Craignant d’être retenu par le boulot au dernier moment, Syrus décide d’intérepréter un monologue, « mais je ne connaissais rien au théâtre alors la prof m’a conseillé Le journal d’un fou de Gogol. » À la fin de sa représentation, une metteur en scène lui propose de monter la pièce dans son intégralité. Syrus a démissionné de Citizen K.
© Charlélie Marangé
« J’ai tout appris sur scène. Au début, je n’avais aucune technique. Mais je me donnais à un milliard de pour cent! »
Seulement cinq dates étaient programmées. Mais c’était sans compter sur la détermination de la mère de Syrus dont il est très proche, « c’est ma meilleure attachée de presse ». Le comédien restera six mois au théâtre de Nesle, puis trois ans au Théâtre du Gymnase avec Le journal d’un fou. La suite, c’est son premier rôle au cinéma, dans le film 24 jours d’Alexandre Arcady. Il y interpréte Ilan Halimi ce jeune homme de confession juive, mort sous les coups du Gang des barbares à Paris. Une expérience qui l’a beaucoup marqué. Après le tournage, Syrus s’est rendu à Jérusalem se recueillir sur la tombe d’Ilan, « j’avais besoin d’aller au bout ».
Sa plus grande aventure au cinéma a été Une histoire de fou de Robert Guédiguian, qui traite du génocide arménien : « j’ai commencé le tournage la peur au ventre, et petit à petit je me suis senti légitime. Ce film m’a donné le courage de dire enfin que j’étais acteur. » Il a aussi rencontré un immense auteur français (Guédiguian) et une famille de coeur. Une histoire de fou, en sélection officielle à Cannes en 2016, lui a également permis d’être pré nommé « Révélations » aux César cette même année. Il a ensuite joué dans Blockbuster de July et Tom Hygreck, « un ami rencontré sur 24 jours ». En début d’année, il a tourné dans un village de Palerme, un film noir, engagé, Amare amaro avec Julien Paolini. Et puis, sa première série, Plan Coeur est sortie en décembre dernier sur Netflix. Syrus Shahidi adore ce qu’il fait. Il aime aussi écrire. Photographier. La poésie. La spiritualité. Et le football « sinon on dirait que tu parles du Dalaï Lama » précise-t-il en riant.
Ses origines iraniennes sont souvent évoquées lorsque l’on parle de Syrus Shahidi. Il a pourtant grandi dans le centre de Paris et s’est promis d’aller en Iran avant ses trente ans : « je veux filmer mon père là-bas ». Son projet ? Réaliser un documentaire sur sa relation avec son père, pas toujours facile. « Grâce à ça, on échange beaucoup en ce moment, et je comprends combien l’exil l’a blessé. » Son histoire, c’est celle d’un homme qui a émigré en France à l’âge de 17 ans, qui s’est construit tout seul, commençant par vendre des tapis avant de devenir antiquaire. Celle d’un musicien autodidacte, virtuose. « Il maîtrise 5 ou 6 instruments… » précise Syrus alors qu’il me montre une vidéo de son père jouant du Setâr. « Mon père, c’est le premier artiste que j’ai rencontré dans ma vie… » Et il semblerait que Syrus en soit le digne héritier.
Plan Cœur écrite et réalisée par Noémie Saglio, est disponible sur Netflix depuis le 7 décembre dernier. Syrus y interprète le rôle d’Antoine, un jeune médecin en couple avec Émilie. Il attendent leur premier enfant. Le film Amare amaro de Julien Paolini est une adaptation d’Antigone. Il n’est pas encore sorti en salles mais continue son parcours en Festival.
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