Arnaud Valois

Le comédien Arnaud Valois est la révélation de cette année 2017 pour son interprétation dans le film 120 battements par minute de Robin Campillo. Au cinéma, il crève l’écran dans le rôle de Nathan, un jeune militant d’Act Up. Dans la vie, c’est la douceur de l’homme qui vous séduit.

© Marie Minair

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Le temps est morne en ce début d’après-midi. Arnaud Valois arrive à l’heure à l’hôtel Hoxton Paris où nous avons rendez-vous. Tenue de sport, casquette vissée sur la tête et baskets aux pieds. « Je dois bien l’avouer, en ce moment, mon hygiène de vie est celle d’un sportif de haut niveau. » Depuis la sortie du film évènement de Robin Campillo, l’emploi du temps d’Arnaud est millimétré. Ses rendez-vous, chronométrés. En plus de la promo dans une quarantaine de pays, 120 battements par minute est en campagne pour représenter la France aux Oscars. Dans la vie d’Arnaud, peu de plages de repos sont programmées. Un lundi, il est nommé aux Césars dans la catégorie Révélations. Le mercredi d’après, Vanity Fair le désigne parmi les 50 personnes les plus influentes en 2017,… Chaque jour apporte son lot de bonnes nouvelles.

« Je vis un rêve éveillé, mais j’essaie de me recentrer lorsque je monte trop haut »

Arnaud savoure son bonheur. Mais ne perd pas de vue l’objectif qu’il s’est fixé il y a des années : être bien dans sa peau. Car les travers de ce métier, il les connait. Après avoir passé sa jeunesse à Lyon dont il est originaire, Arnaud rejoint la capitale pour intégrer le cours Florent, et tenter sa chance dans le milieu du cinéma. En 2006, il interprète un des rôles principaux dans Selon Charlie de Nicole Garcia. Mais le film n’a pas le succès escompté. Oui, parce qu’au cinéma, 500 000 entrées, ce n’est pas assez. Il tourne ensuite dans un film de Josiane Balasko, puis d’André Téchiné. Mais les rôles se font rares et Arnaud peine à en vivre, de son métier. Il commence à déprimer. Et décide alors de tout plaquer. D’abandonner son rêve de gamin, devenir comédien.

Arnaud traverse une période difficile. Il a besoin de s’éloigner de Paris. C’est lors d’un voyage de plusieurs mois en Thaïlande qu’il découvre le massage Thaï. Une révélation. Arnaud bâtit alors un projet de reconversion. Et repart en Asie pour se former. Soucieux d’approfondir sa démarche, il revêt une seconde casquette, celle de sophrologue. C’est donc bien loin du milieu du cinéma qu’Arnaud va vivre sa deuxième vie. Jusqu’au jour où, une directrice de casting lui passe un coup de fil. « Robin Campillo veut vous rencontrer ». Arnaud a beau lui affirmer qu’il n’est plus comédien, elle insiste. Le rendez-vous est pris. Arnaud manque plusieurs fois d’annuler. Et refuse de lire le scénario, de peur de succomber.

© Marie Minair

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Les essais sont nombreux. Le casting, très long. Et Arnaud renoue avec ses doutes. S’empêche d’y croire. Hésite à replonger pour son amour passé, le cinéma. Il avait fait le deuil de cette vie-là. Puis la passion finit par l’emporter. La suite, on la connait. C’est le succès. Aujourd’hui, il est fier de porter avec son équipe un film collectif, un projet engagé. Au delà d’apporter un éclairage sur le rôle d’Act Up dans la lutte contre le SIDA, dans la défense des droits homosexuels, 120 battements par minute est une ode au militantisme. C’est d’ailleurs ce qui l’a séduit d’emblée. Ce film valorise l’engagement dans une époque qui en manque cruellement. Et offre une amère piqûre de rappel sur la maladie, toujours d’actualité.

« J’aimerais que les gens comprennent que l’homosexualité n’est pas un choix »

Le ciel parisien verse quelques larmes, mais la voix posée d’Arnaud apporte de la douceur à ce moment. Au départ réticent à l’idée de parler de sa vie privée dans ses premières interviews, Arnaud Valois est aujourd’hui en paix avec l’idée d’assumer son homosexualité. Mais c’est un garçon discret. Pudique. Soucieux de distiller dans chacune de ses paroles les valeurs humanistes qu’il porte en lui. Impossible pour Arnaud de se laisser griser par le succès. Il a mis trop d’années à la trouver, la paix. Alors dès qu’il a quelques jours de repos à sa portée, Arnaud saisit l’instant pour se « recentrer », comme il dit, sans sourciller. Il rentre d’ailleurs d’un séjour de 15 jours au Brésil où il s’est nourri de la lumière de ce pays. De quoi affronter le rythme effréné des prochains mois, avec une énergie recouvrée. Il est bien difficile de croire Arnaud quand il affirme ne pas savoir s’il va encore tourner. Il a juste peur de se projeter. Comme si la blessure n’était pas refermée. Et puis son regard s’illumine la seconde d’après. Comme si, dans ses yeux verts, la flamme rejaillissait.

Les Américains sont fans du « story telling » d’Arnaud Valois. Derrière cette expression marketing se cache l’histoire d’un jeune homme. Le récit du voyage qu’il a fait jusqu’à lui. Même s’il n’ose pas encore se l’avouer, Arnaud est aujourd’hui là où il devait être. Il a eu beau lutter contre ce qui l’animait, son rêve de gosse l’a rattrapé. Et il est désormais prêt à l’embrasser, son destin de comédien.

Arnaud Valois est nommé dans la catégorie Révélations aux Césars 2018. Avant 120 BPM il avait tourné dans 5 longs métrages dont Selon Charlie de Nicole Garcia, Cliente de Josiane Balasko et La fille du RER d’André Téchiné. Le film 120 battements par minute, Grand Prix au Festival de Cannes 2017, va représenter la France aux Oscars. Il vient d’être primé dans la catégorie Meilleur film en langue étrangère au New York Film Critics Circle. Le film sorti en août 2017 a déjà à son actif de nombreuses récompenses et nominations.