Fanny Herrero

La série désormais culte Dix pour cent vient de remporter le Globe de Cristal de la meilleure série pour sa saison 2. Les téléspectateurs devront attendre l’automne 2018 pour découvrir la suite des aventures des agents d’ASK et de leurs stars sur France 2. La créatrice de la série, Fanny Herrero, vient de passer une année à diriger l’écriture de ce nouveau volet. Rencontre avec une femme qui ne fait rien à moitié.

© Audoin Desforges

« C’est mon premier jour off… » m’annonce Fanny Herrero avec un large sourire lorsque nous nous installons dans l’un des bureaux de Mother Production où nous avons rendez-vous. Cela fait un an que la scénariste de Dix pour cent vit avec les personnages de la série qui s’agitent dans sa tête. « En tant qu’auteur je suis assez obsessionnelle. » Elle ne s’autorise pas de pause tant que l’écriture de la saison n’est pas terminée. Alors maintenant, elle souffle un peu : « J’ai profité de cette journée pour déjeuner avec mon fils aîné ». Son impatience lorsqu’elle écrit génère chez elle une grande nervosité. Mais si ce long processus de création est douloureux par moment pour Fanny, il lui procure aussi beaucoup de plaisir. « Nous sommes plusieurs auteurs. Il y a des temps collectifs les premiers mois. Les textes sont ensuite découpés en épisodes avant d’élaborer les histoires autour des guests. Cette partie se fait généralement en binôme, puis je reprends la main. » Maintenant que le tournage a commencé, Fanny peut enfin passer le relai. Elle adore ce moment, une fois le texte transmis, quand le reste de l’équipe vient s’agréger et que le bateau devient un paquebot avec 150 personnes à son bord. « Tout le monde s’affaire et plein de paires d’épaules viennent supporter le projet avec moi. » C’est ce qu’elle aime dans le travail de scénariste, ce temps de maturation à la fois solitaire et lié aux autres ; et l’aventure collective qui en découle.

Depuis 5 ans qu’elle travaille à la direction de Dix pour cent c’est la première année où la scénariste en ressort épuisée. « Faut dire que je suis une jeune maman. » Fanny éclate de rire avant de poursuivre : « Une jeune maman de 41 ans. » Seulement trois semaines après la naissance de son deuxième enfant en 2016, le tournage de la saison 2 commençait. « Je restais avec ma fille à la maison alors que ma série était en train d’être tournée. » Fanny s’est trouvée face à un dilemme : profiter de son enfant ou vivre la naissance de son autre bébé,  Dix pour cent. On lui conseillait de faire des siestes lorsque la petite dormait « mais je prenais ce temps pour passer mes coups de fil, pour regarder les rushs. J’en voulais au système. Pourquoi les deux parents ne peuvent-ils pas s’arrêter ? » Elle a fini par prendre une nounou à mi-temps afin de se rendre sur le tournage l’après-midi. « Cela m’est arrivé plusieurs fois d’avoir des montées de lait sur le plateau. Je cachais ma poitrine sous mon manteau. »  Et puis il a fallu écrire la troisième saison. « Voilà pourquoi j’ai l’impression aujourd’hui d’avoir couru un marathon. » Un marathon duquel Fanny Herrero ressort plus lumineuse que jamais.

La place de la femme dans la société est au coeur des préoccupations de Fanny

En s’emparant de la série, elle a souhaité traiter de la question de la féminité, de la représentation des femmes, de leur corps ; parfois malmené, parfois surexposé. Ces sujets la passionnent et il était pour elle évident de les aborder dans une série qui met en lumière les coulisses du cinéma. Le dernier épisode de la saison précédente soulève la question du harcèlement dont sont parfois victimes les actrices. Ce rapport ambigu de séduction, cette pression pour être belle. « On vampirise cette beauté et certains en abusent. Les femmes sont encore considérées comme les trophées des hommes puissants. » Fanny est fière d’avoir évoqué ce sujet l’an dernier, bien avant que l’affaire Weinstein éclate. La saison 3 en parlera également.

Scénariste depuis 12 ans, Fanny est passionnée par ce qu’elle fait. Après des études en Sciences Politiques et une année passée à Londres, elle a pris des cours de comédie. Arriver à l’écriture par le jeu lui a permis de sentir petit à petit son attirance pour les personnages, le texte, la dramaturgie. Pendant cette période, elle a travaillé en parallèle comme lectrice pour la chaîne TF1. À force de lire des scénarios, elle a compris que c’est ce qu’elle voulait faire. Fanny avait 30 ans, venait d’avoir son premier enfant, elle s’est dit que c’était le bon moment pour se lancer. Son premier projet, elle l’a vendu à Arte. Puis tout s’est enchaîné : Section de recherches, Les bleus, Un village français, Kaboul Kitchen, Fais pas ci, fais pas ça puis Dix pour cent. Depuis 2007, elle fait partie du collectif Le SAS avec une quinzaine de scénaristes. « Ce projet est à l’initiative de Benjamin Dupas, avec d’autres jeunes auteurs nous souhaitions faire avancer notre travail. Un mardi sur 2 on parlait technique. On se faisait lire nos textes. » C’était une aventure de potes. Aujourd’hui, les scénaristes du SAS travaillent sur la plupart des séries TV françaises, et même dans le cinéma. « On a grandi ensemble » avoue Fanny avec beaucoup de tendresse.

Aujourd’hui, Fanny est heureuse de voir le succès que connait Dix pour cent. Et ça se lit sur son visage. Elle a eu des propositions alléchantes qu’elle a refusées. Elle ressent le besoin de se « poser. » De ventiler un peu son cerveau. Sortir de la mécanique folle de la TV.  Lire, écouter, vivre, se nourrir à nouveau. « J’ai besoin de m’occuper des autres. Voir mes amis, organiser des déjeuners, faire des gâteaux pour mes enfants et accueillir des réfugiés. » Sérieusement ? Question à laquelle Fanny répond naturellement : « Oui, j’ai une famille recomposée. Une semaine sur 2 nous avons de la place à la maison. »  Je vous le disais, Fanny Herrero ne fait pas les choses à moitié. Et avec une grande liberté.

La saison 3 de Dix pour cent actuellement en tournage sera diffusée à l’automne 2018 sur France 2. Jean Dujardin, Monica Bellucci, Gérard Lanvin, Béatrice Dalle, Isabelle Huppert font partie du casting de ce nouveau volet.